Fabien Cloutier s’ouvre sur sa conciliation travail-famille
Ayant plus d’une corde à son arc, l’artiste et créateur se révèle de plus en plus au grand public et nous inspire au passage. J’ai eu le bonheur de m’entretenir avec Fabien Cloutier à l’un de ses restos préférés: Au Pied de Cochon. Un endroit à son image, où le réconfort et l’authenticité sont au rendez-vous!
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Fabien, tu fais partie des gens qu’on a l’impression de connaître depuis toujours, alors que ce n’est pas vrai! (rires) C’est un compliment, car tu es facile d’approche...
Il y a 10 ans, j’étais plus connu dans le milieu du théâtre et je me suis promené avec mes pièces... c’est comme si l’auteur avait révélé l’acteur! Les gens m’ont vu jouer dans Scotstown (une pièce originale de Fabien jouée de 2008 à 2011, puis en 2014) et il y a eu des producteurs qui m’ont approché pour que je travaille avec eux. Ç’a été le début de toute cette explosion-là, mais en fait, c’est la continuité de mon travail. Ça me tentait de faire les deux: écrire et jouer. Mais il y a quelque chose qui fait que je me laisse porter. Je sais ce que je veux, mais je sais aussi reconnaître la vague avec laquelle je veux avancer. Il arrive un moment où on n’est plus vraiment dans l’ombre, même si on est derrière la caméra. Ça m’a amené à faire des choix de projets. Je suis un gars d’équipe, mais j’aime ça décider! (rires)
Qu’est-ce qui te plaît le plus lorsque tu travailles en équipe?
Avec les rôles, tu peux décoller dans plein de directions! Et j’aime me mettre au service d’une autre équipe. Après ça, quand je fais mes affaires, je reconnais le travail des gens qui se mettent au service de l’œuvre et qui sont toujours là, non pas parce qu’ils sont des vedettes, mais parce qu’ils ont une éthique de travail irréprochable. Les acteurs qui sont le fun sur des plateaux et qui sont très bons, tu sais... j’admire beaucoup ça aussi.
Si tu admires ça chez les autres, c’est que tu t’imposes aussi une discipline!
Je pense que les gens doivent te voir travailler et je crois vraiment au plaisir dans la job. Ça m’est arrivé d’aller sur des plateaux et dans des salles de répétitions où c’était tendu pour rien. On dirait qu’il y a quelqu’un d’énervant ou qu’il y a une pression indue. Quand il y a beaucoup de travail, on sait qu’il va falloir tenir un horaire serré et, d’une certaine façon, avoir une plus grande discipline. Je crois vraiment au plaisir dans la job; on peut avoir de la rigueur et avoir du fun!
Je suis un fan de ta série Léo; j’enregistre tous les épisodes! Je sens la complicité entre les personnages, et ce, même quand ils ont des conflits! Comment as-tu réussi à créer cette chimie?
C’est toujours un peu avec ça qu’on se bat en télé, c’est-à-dire de prendre les moyens de faire les scènes où elles doivent être, d’être mis en situation et non pas seulement de raconter ce qui s’est passé. À un moment donné, il faut être dans les lieux et ça prend plus d’acteurs! Tu sais, les personnages, dans Léo, ils sont tous sanguins, ils réagissent, ils sont francs et ils sont très émotifs! On fait des blagues avec le personnage de Perreault (Guillaume Cyr), car ça fait des années qu’il pleure le départ de sa femme et il est fragile. Il y a aussi le cas de Nancy (Sonia Cordeau) et Johnny (Christian E. Roy). On comprend pourquoi celui-ci est parti! Mais en fait, derrière la comédie, on est content quand les personnages, comme Nancy, accèdent un peu au bonheur.
À l’âge de 15 ans, où est-ce que tu te voyais?
J’étais déjà dans l’idée de me laisser porter! Je réussissais pas mal tout ce que j’essayais; où je travaillais, en Beauce, les employeurs me disaient toujours que je pouvais continuer à travailler (après la période estivale). Assez vite, j’ai choisi l’école pour étudier plutôt qu’un métier. Avec ma famille, il y avait zéro pression. On m’encourageait beaucoup à aller là où je pensais être bien... et ça ne venait pas avec une pression d’efficacité.
Qu’est-ce que cette absence de pression et cette philosophie t’ont appris?
Quand j’ai commencé à travailler avec des jeunes à titre de professeur en théâtre au Cégep de Limoilou, j’ai réalisé que plusieurs avaient cette pression... une crainte de choisir la mauvaise branche au cégep et de perdre un an. Comme si, tout à coup, tout devait être parfait... une case après l’autre. Et c’est là que je me suis demandé: «C’est quoi cette affaire-là de perdre un an?» Mon parcours, ça n’a jamais été ça! J’ai fait un programme en sciences humaines et ensuite, j’ai pris une année de pause. Après, je suis entré au théâtre au Cégep de Sainte-Thérèse et j’ai été renvoyé! Je n’ai pas cultivé la colère face à ça et j’ai vécu cet échec avec humilité. Je me suis demandé si j’avais montré tout ce dont j’étais capable... Ça n’a pas été long que je me suis réessayé et que je suis entré au Conservatoire de Québec. Je ne voulais pas que quelqu’un d’autre décide; moi, ça me tentait encore de faire du théâtre! Quand j’enseignais au cégep, je voyais des jeunes qui voulaient faire du théâtre et je me suis dit que ce n’était pas à moi de décider s’ils pouvaient en faire ou non. C’est la principale chose que ça m’a apprise, de ne pas être celui qui dit à quelqu’un: «Je ne pense pas que c’est pour toi.» Je crois beaucoup au travail dans la vie et je pense qu’il y a vraiment plein de gens plus talentueux que moi. Mais je pense aussi que je suis plus travaillant que bien du monde! (rires) Seul le travail développe le talent; quand le désir et la volonté du travail bien fait sont là, je crois à ça!
Il y a plusieurs années, il y avait un clash entre le théâtre et l’humour. Les temps ont changé! À quel moment as-tu été capable de tourner autant que de jouer?
Quand j’ai commencé à faire les Contes urbains (au théâtre La Licorne, en 2011), j’ai su comment parler au monde. Après, il y a toujours eu de l’humour dans tout ce que je faisais et je me suis dit que je pourrais en faire aussi! Mais il y a toujours du monde qui vont regarder l’humour de haut... Avant de faire du théâtre, j’écoutais Samedi de rire et La petite vie, et je riais! Je ne connaissais pas le théâtre et, dans le fond, c’est ça que je voulais faire. Si tu décides de faire de l’humour, il ne faut juste pas que tu aies l’impression que ça va être plus facile ou que ça va être moins d’ouvrage que d’être acteur. Ce n’est pas vrai! Il ne faut pas non plus que tu arrives en te disant que ce que tu fais va être meilleur vu que tu es aussi un acteur ou un auteur. Il faut résister à ça!
Selon toi, quel est le meilleur type d’humour?
Je crois qu’il faut continuer à défendre toutes les formes d’humour. Si c’est drôle et que ça fait rire le monde, c’est déjà une forme d’engagement. C’est pour ça que j’ai de la misère avec les termes théâtre ou humour «engagé», car c’est comme si on leur donnait une plus-value. Le jour de la tragédie à la garderie de Laval, j’étais en show le soir. Un de mes épisodes préférés de Léo passait à la télé. Je me suis dit que ça allait faire du bien au monde. Pour moi, ça vaut déjà plus que de nommer nos engagements.
J’ai regardé la liste des représentations de ton one man show Délicat, et tu te promènes en tabarouette! (rires) Quel est l’impact de cette vie de tournée sur le plan familial?
Parfois, je suis trois ou quatre jours à l’extérieur et, de temps en temps, c’est une semaine. Quand tu expliques bien ce que tu fais et que la job vient avec des déplacements, ça fonctionne. À quoi ça sert d’être sept jours par semaine avec les enfants et de ne rien leur dire, de ne pas les écouter? Ou encore de souper devant la télé? Quand je suis là, je suis là au complet!
Où te vois-tu dans 10 ans?
Je vais être là où je serai bien! Si ce n’est pas dans l’œil du public, je serai dans l’ombre — il y a plein de choses que ça me tente de faire dans la vie. Je me souviens d’avoir choqué une dame, en entrevue à la télé. J’avais dit que je ne faisais pas ce métier pour être aimé, mais parce que j’aime ça! La personne l’avait mal pris, me disant que j’avais besoin du public. Mais moi, je fais les affaires que j’aime, et ça adonne que le monde aime ça. C’est tout!
Pour vous informer sur les représentations de Délicat, le nouveau one man show de Fabien, consultez le fabiencloutier.com. Ne manquez pas la finale de la quatrième saison de Léo, diffusée ce mercredi, à 21 h, à TVA. Toutes les saisons précédentes sont disponibles sur Club illico. Écoutez sa chronique à l’émission Puisqu’il faut se lever, le vendredi, au 98,5.
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