En fugue | Passions toxiques
Club illico

Maylissa Luby et Martine Laurier.
Certains parents voient en la série Fugueuse un outil de prévention pour leurs jeunes. Club illico leur offre un outil de plus: En fugue, une série documentaire où, malheureusement, la réalité dépasse parfois la fiction.
Elles s’appellent Natacha, Rachel et Caroline. Bien que leurs prénoms soient fictifs afin de les protéger, leur histoire, elle, est bien réelle. Dans la série de cinq épisodes, Maylissa Luby, une survivante de l’exploitation sexuelle et intervenante en réinsertion sociale, ainsi que Martine Laurier, une ex-enquêteuse du SPVM, tentent de les retrouver.
Le piège de Junior
Le premier épisode raconte l’histoire de Natacha. La fugueuse récidiviste a connu une enfance douce et tranquille avant de rencontrer Junior au secondaire. Plus vieux qu’elle, il séduit cette adolescente fragile, qui croit vivre une histoire d’amour avec lui. Au début, même la mère de Natacha est charmée par ce jeune homme à l’allure sportive qui se promène constamment avec un ballon de basketball sous le bras... jusqu’à ce qu’il la vole au cours d’un souper à la maison. S’ensuivent plusieurs discussions, la mère essayant de mettre sa fille en garde. Toutefois, le proxénète brise complètement Natacha, notamment en lui faisant subir un viol collectif. Faisant fi des intervenants sociaux, qui lui démontrent le mal que Junior lui fait, la jeune fille s’enfuit constamment pour le retrouver.
Sa mère, qui n’a pas baissé les bras même si sa fille est aujourd’hui majeure, témoigne très humblement devant la caméra. Elle était avec Natacha lors de sa dernière fugue. Alors hospitalisée en psychiatrie, la jeune femme avait reçu la permission d’aller au cinéma avec sa mère, quand elle s’est éclipsée durant le film pour reprendre son ancienne vie. «Même lorsqu’on retrouve les filles, c’est excessivement difficile de les faire sortir de ce qu’elles vivent. Elles sont plongées dans une situation irréelle qu’elles croient réelle. Elles pensent qu’elles mènent la grosse vie, car leur proxénète paie tout. Il faut qu’elles réalisent que la souffrance vécue l’emporte sur ce train de vie. C’est un long parcours car, en chemin, elles ont perdu leurs repères et leur estime de soi. Je félicite ma collègue Maylissa Luby, qui s’en est sortie et qui aide maintenant les autres», explique l’ex-policière.
Sur la piste
Avec 29 ans de service au sein des forces de l’ordre, dont une dizaine d’années passées à enquêter sur les fugues et les disparitions, Martine Laurier sait ce qui doit être fait pour retrouver Natacha, Rachel et Caroline. «Ce n’est pas un rôle que je joue à l’écran. C’est l’histoire de ma vie. Je chausse de nouveau mes pantoufles», explique l’enquêtrice, qui a pris sa retraite du SPVM il y a deux ans.
Bien qu’elle n’ait pas eu les mêmes ressources pour trouver le trio de filles que lorsqu’elle était officiellement en fonction, Mme Laurier salue l’équipe de production, qui lui a permis de collaborer avec des corps policiers et des détectives privés pour les besoins d’En fugue. Son talent pour faire parler les gens est impressionnant: elle va jusqu’à soutirer de l’information au fameux Junior devant les caméras. «Je n’ai pas l’air d’une policière; je ressemble un peu à madame Tout-le-monde. C’est une force que je peux exploiter en interrogatoire», explique-t-elle.
Lumière sur la prévention
D’une grande sensibilité, Mme Laurier noue des relations de confiance avec les parents qui témoignent à l’écran. «J’ai beaucoup de compassion et de la facilité à mettre les familles en confiance. C’était important pour moi qu’elles comprennent qu’on ne veut pas faire de sensationnalisme avec leur histoire. L’important, c’est que ce soit vrai», affirme l’ex-policière.
Selon elle, il n’est jamais trop tôt pour faire de la prévention auprès de nos jeunes concernant l’exploitation sexuelle. L’histoire de Natacha, celle de Rachel et celle de Caroline doivent servir d’exemple. «La façon dont ces filles ont été recrutées et le dénouement de leur histoire diffèrent, mais tous les proxénètes ont sensiblement le même modus operandi. Ils cherchent des victimes fragiles, qui ont vécu du rejet et qui ont besoin d’être aimées», affirme celle qui espère que la série documentaire sera vue par le plus de jeunes possible.