Procès d'Éric Salval, la suite - 2e partie | 7 Jours
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Procès d'Éric Salval, la suite - 2e partie

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Photo : Ben Pelosse, Journal de Montréal

Cet article fait suite au compte rendu des deux premiers jours du procès publié dans notre numéro de la semaine dernière. En ce matin glacial du 19 février, au jour 3 du procès, une question plane: Éric Salvail témoignera-t-il à son propre procès? Bien malin celui qui pourrait le prédire, car aucune information n’a filtré à ce sujet. Parmi les journalistes présents, arrivés tôt, les opinions divergent. L’un explique pourquoi, selon lui, l’accusé ne témoignera pas, alors qu’un autre est certain qu’on le verra à la barre. 

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La veille, le jour 2 du procès s’était terminé sur le contre-interrogatoire musclé de Donald Duguay. Le plaignant était resté calme, stoïque même, face à la charge menée contre lui par Me Michel Massicotte. Si le procédé est justifié sur le fond, il en a toutefois fait sourciller plus d’un sur la forme, certains commentateurs s’interrogeant dans diverses tribunes médiatiques sur le traitement réservé aux présumées victimes.   

Mercredi 19 février — jour 3 du procès 

Comme les deux jours précédents, les curieux arrivent petit à petit. On commence à reconnaître certains visages. Sont-ils des fans inconditionnels de l’ex-animateur venus pour le soutenir? Après tout, il existe sur Facebook divers groupes rassemblant des personnes lui ayant déjà donné l’absolution ou qui, en tout cas, plaident la présomption d’innocence. Il existe aussi des groupes qui se portent à la défense de la présumée victime. Mais sur les réseaux sociaux d’Éric Salvail, par contre, le temps s’est arrêté en octobre 2017, après son acte de contrition public consécutif aux révélations du journal La Presse, qui publiait plusieurs témoignages évoquant des inconduites sexuelles de la part du populaire animateur, point de départ de toute l’affaire. 

Éric Salvail se présente au palais de justice quelques minutes seulement avant la reprise des audiences, qui débutent à 9 h 30, toujours accompagné des deux avocates de l’équipe de Me Massicotte qui prennent place à sa gauche, dans la première rangée. Donald Duguay n’est pas présent pour cette troisième journée de procès. C’est aujourd’hui que sont appelés à la barre les quatre témoins de la Couronne — dont on ne peut donner les noms en raison d’une ordonnance de non-publication — qui seront questionnés.  

Donald Duguay

Photo : Martin Alarie, Journal de Montréal

Donald Duguay

Il est 9 h 36 quand le premier, un ami de Donald Duguay, prend la parole. Son témoignage est bouclé en huit minutes. Arrive le deuxième témoin, une ancienne collègue de la présumée victime qui se souvient d’avoir travaillé à l’époque avec les deux hommes impliqués. Un ajournement est demandé. Il dure cinq minutes, au terme desquelles le témoignage reprend, suivi par un troisième, le dernier de la matinée, amené par une amie de Donald Duguay qui évoque une rencontre troublante à un enregistrement de
La petite vie auquel elle était présente alors qu’Éric Salvail y était animateur de foule. L’accusé a écouté le tout avec attention, continuant comme à son habitude de prendre des notes dans un carnet et d’échanger à l’occasion quelques mots avec son avocat. Devant lui, près du juge, Me Michel Massicotte s’entretient régulièrement mais discrètement avec son assistant, Me Nicolas St-Jacques. La Couronne fait savoir que sa preuve est close. C’est la fin de l’audience pour le matin, reprise en après-midi. 

Un témoignage des plus attendus 

Après le dîner, la salle se remplit peu à peu. On attend le quatrième et dernier témoin, celui de la défense. C’est une employée de Radio-Canada. Elle s’exprimera pendant 25 minutes avant de repartir.  

Il est presque 15 h lorsque, coup de théâtre, Éric Salvail est demandé à la barre par son avocat. Il prête serment, donne son nom et, quand on lui demande quelle est son occupation, il semble hésitant. Il répond finalement: «Producteur.» Pour ceux qui suivent le procès en direct, la surprise est totale. Très rapidement, l’information circule et fait les manchettes. D’une voix un peu plus rauque que celle qu’on lui connaît, il nie en bloc toutes les allégations le concernant, martelant: «Je n’étais pas là», «Ça ne se peut pas, je n’étais pas là, je ne travaillais pas au courrier à ce moment-là», déclarant même ne pas reconnaître Donald Duguay quand sa photo lui a été présentée, même si son visage lui «disait quelque chose». Sa défense est basée sur le contenu de ses agendas, qu’il dit remplir «de manière compulsive, autiste». Mais ces éléments ne peuvent pas être reçus en guise de preuves.  

À la suite des questions de la procureure Amélie Rivard, Éric Salvail feuillette son agenda de l’année 1993, page par page. Relativement tendu mais calme, il devient cependant plus nerveux dès qu’il est questionné. Dans la salle, un lourd silence se fait, laissant toute la place à ses propos. On apprend qu’il s’est soumis à trois reprises au polygraphe et s’est de lui-même présenté aux policiers quand il a eu vent des allégations le concernant.  

Jeudi 20 février — jour 4 du procès 

Si le procès n’a jusque-là attiré que très peu de personnes du grand public, le fait qu’Éric Salvail témoigne change la donne. Cette fois, les gens se pressent aux portes de la salle. Ils seront vite dirigés vers ce qu’on appelle la salle de débordement, à l’étage inférieur, où le procès est retransmis sur vidéo, en circuit fermé. Éric Salvail en est au quatrième jour de son chemin de croix médiatique. Son témoignage reprend. Lui qui cabotinait constamment n’aura jamais été aussi sérieux. Mais, avec un peu d’attention, on peut encore percevoir le communicateur d’expérience derrière l’accusé, puisqu’il utilise certaines intonations pour appuyer ses propos. Il garde un certain aplomb en dépit d’une nervosité qui, dans les circonstances, est plus que normale.  

Mais, en après-midi, interrogé par la procureure de la Couronne, il montre un signe d’impatience, déclarant: «Vous essayez de me faire dire des choses.» Pour le reste, quand sont évoqués les détails de ses possibles inconduites sexuelles, tant dans ce qu’il aurait dit que ce qu’il aurait fait, il les réfute, les minimise, arguant d’avoir peut-être fait preuve d’un humour éventuellement déplacé, dans un milieu de travail qui permettait cela, un contexte particulier. «De là l’idée que je n’ai jamais franchi la ligne (...) entre les commentaires pour s’amuser, être drôle, et la ligne où on tombe dans le harcèlement et l’agression.» Concernant l’agression présumée dans les toilettes, il se défend: «Cette attaque-là n’a pas eu lieu. La façon dont il la décrit, je n’avais pas la carrure et la façon imposante.» C’est donc la parole du plaignant contre celle de l’accusé.  

Donald Duguay n’était toujours pas au palais de justice ce jeudi-là, mais les amis qui le soutiennent depuis le début, oui. Nous avons rencontré une femme de son entourage qui nous a confié qu’il avait trouvé son expérience au tribunal difficile. Lui et Éric Salvail ont désormais une chose en commun: le fait de devoir attendre un verdict. Il leur faudra être patients, car les deux parties vont se retrouver le 11 mars en présence de l’accusé afin que la Couronne puisse déposer une contre-preuve. Quant aux plaidoiries de ce procès extrêmement médiatisé, elles sont prévues le 30 avril au palais de justice de Montréal. Officieusement, le jugement du tribunal populaire semble, lui, avoir déjà été rendu. Le roi de V a perdu sa couronne...  

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